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6 septembre 2016 2 06 /09 /septembre /2016 00:50

C'est marrant de passer son temps à trouver des métaphores pour essayer de communiquer l'incommunicable. Vous allez rire, mais j'ai fait plein d'études où on analysait et disséquait les mots... Ponétique, phonologie, lexicologie, morphologie, syntaxe. Au bout du compte, je peux dire deux où trois choses de la forme des mots. Mais je ne crois pas que savoir tout ça m'aide à me faire comprendre de mon prochain.

Et pourtant, j'aimerais bien être comprise. J'ai perdu des facultés de concentration et de mémorisation. J'ai l'air d'être normale, mais je ne le suis pas. Toutes ces années d'études qui ne serviront plus jamais à rien. A la poubelle. Je sais des choses, mais je ne peux plus me concentrer assez longtemps pour les transformer en une matière d'intérêt. Sauf de petites analyses rigolotes qui ne réjouissent que moi et n'aboutiront jamais à rien.

Un exemple. Une amie lusophone a commencé écrire des chansons en français, mais ça sonne bizarre. Tiens ? Pourquoi ? C'est très poétique, mais on n'y comprend pas grand chose. Pourtant, tous les mots sont français, et les phrases acceptables en contexte poétique francophone.

Ouh, irrésistible ! une mini-énigme à résoudre, dont mon petit ordinateur interne de linguiste se saisit avec délectation. Car il me reste un pathétique petit sous-programme qui continue, imperturbable, à collecter des occurrences, sans savoir que le reste du bâtiment est ravagé. Le méta-programme qui permet d'avoir une vue des données collectées dans leur ensemble a fondu et la moindre tentative de restauration fait baisser les batteries à un niveau critique.

Alors il se jette, mon petit survivant, il se jette sur les phénomènes localisés, qu'il peut examiner sans trop de déperdition d'énergie. Il s'y prend à plusieurs reprises. Et bim, il pond une micro-théorie de la rime en portugais du brésil, comparée à la rime en français. Et après moulinage et moulinage, on a ça (accrochez-vous, ou passez directement au prochain paragraphe) : en français, interdiction absolue de faire les apocopes si prisées des Brésiliens, qui font rimer le milieu d'un mot avec la fin d'un autre. Le français chanté a trop besoin de l'accentuation sur la dernière voyelle pour accepter que la dernière syllabe soit évacuée. (avouez, ça n'a aucun intérêt, sauf pour moi et mon petit sous-programme. D'ailleurs je crois que je vous ai perdus)

Ca, c'est fait. Il n'y a pas à dire, mon petit sous-programme fait des merveilles compte tenu des conditions dans lesquelles il est obligé de travailler. Mais ça n'ira pas plus loin. Pas de recherche sur les spécialistes des procédés poétiques, pas de constitution de corpus d'étude représentatif, pas de transcriptions. Pas de comparaison de la performance explicative des modèlisations proposées par les différents courants d'analyse. Juste un bourgeon d'idée. Qui de fleurira pas.

Donc voilà, j'ai l'air d'une linguiste, j'ai les amusements saugrenus des linguistes, mais je ne peux plus être linguiste. Et la linguistique ne m'aide pas à faire comprendre ce qui m'arrive.

C'est la métaphore qui marche, plus ou moins. Pour me faire comprendre, un peu.

Les points de vie, c'est la dernière de mes métaphores en date. Je vous la livre à l'état brut.

J'ai le sentiment de commencer la semaine avec un capital de 70 points de vie, alors que les autres en ont plutôt 210. Si je joue en équipe, je dépense autant de points de vie que les autres en début de partie.

Le lundi, tout le monde dépense allègrement 30 points. Le mardi, idem. Et moi avec les autres, bêtement. Du coup, dès le mercredi, je me retrouve avec 10 points, alors que tous mes compagnons d'aventure en ont encore 150. Il va falloir que je finisse ma semaine en calculant chacun de mes mouvements pour ne pas y laisser ma peau.

Alors autant vous dire que consacrer ces malheureux points restants à la lecture d'articles scientifiques de haut niveau me mènerait rapidement à la carence alimentaire, l'interdit bancaire, ou la solitude absolue : je n'aurais pas l'énergie pour faire les courses, ouvrir mon courrier ou répondre au téléphone.

D'ailleurs, que dis-je, je n'ai pas l'énergie pour faire les courses, ouvrir mon courrier ou répondre au téléphone. Parce que je suis assez bête pour continuer à vouloir à avoir un travail et que, même à temps partiel, ça me crame mes points de vie à une vitesse supersonique.

Alors me voilà, officiellement guérie depuis 5 ans. Déclarée totalement apte par tous nos amis médecins. Mais je dois choisir entre travailler et avoir une vie sociale. Entre avoir une vie amoureuse et gérer mes affaires administratives. Entre prendre des cours de théâtre et recevoir ma famille. C'est normal, docteur ?

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